Ici les femmes ne rêvent pas de Rana Ahmad

Résumé de l’éditeur : Rana, dix ans, fonce sur son vélo flambant neuf. Heureuse, insouciante, choyée par son père, un vent de liberté lui caresse le visage. Quinze jours plus tard, c’est terminé. Son vélo est donné à l’un de ses oncles. Encore quelques mois et elle devra, pour être une bonne musulmane aimée d’Allah, porter l’abaya noire sur son corps, le niqab sur son visage et le tarha sur sa tête et ses épaules. Ensuite, ses parents lui trouveront un mari et elle sera condamnée à ne plus rien faire que la cuisine, le ménage et ses cinq prières par jour. C’est la loi. Il ne reste à Rana que ses yeux pour pleurer et contempler son monde : l’Arabie saoudite des années 2000. Mais sur ce monde, elle porte un regard impitoyable. La frustration sexuelle fabrique des obsédés et des hypocrites. L’obsession et l’hypocrisie transforment les hommes en ennemis de leurs propres sœurs, filles ou épouses. Les agressions et les violences quotidiennes donnent aux femmes l’envie de fuir. Très peu réalisent ce rêve fou. Rana sera l’une d’elles. Elle n’a jamais oublié le vent de liberté de ses dix ans, elle est prête à tout pour le retrouver et en jouir, et, cette fois, en adulte.

Depuis plusieurs mois, la parole des femmes se libère et les affaires de harcèlement et d’agression sont de plus en plus médiatisées. La littérature est également un bon moyen de révéler son histoire et de faire passer des messages. Dans son témoignage, Rana Ahmad nous raconte son parcours en Arabie Saoudite. Son enfance, ses illusions, son mariage, ses remises en question et sa fuite nous sont narrés. Son père, figure bienveillante, est toujours présente. C’est aussi tout un pays qu’elle nous décrit, un pays englué dans l’hypocrisie ainsi qu’un extrémisme religieux. La soumission des femmes y est normal, je ne pense rien vous apprendre.

Contre vents et marées et poursuivie par certains membres de sa famille, Rana Ahmad prend le chemin des migrants en passant par la Turquie, la Grèce vers son pays d’adoption, l’Allemagne. C’est un véritable parcours du combattant, et c’est peu de le dire, aussi bien du point de vue physique, mental et spirituel. Le style n’est pas ce que l’on retiendra de cet ouvrage. La langue et la construction sont assez limitées. Rien de surprenant puisque Rana a écrit son texte en allemand, qui n’est pas sa langue natale et qu’elle pratique depuis quelques années seulement. A mon sens, le fond est ici clairement plus important que la forme. Nous sommes révoltés mais aussi tellement impuissants.

Ici les femmes ne rêvent pas ouvre les yeux et nous indigne. Malgré un style un peu faiblard, je ne peux que vous conseiller de découvrir le parcours édifiant de Rana Ahmad. Cette dernière est une miraculée, mais combien de femmes sont mortes ou sont encore persécutées en Arabie Saoudite et plus largement dans tous les pays du monde ?

Lu dans le cadre du Grand prix des lectrices Elle 2019.

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Le goût sucré des souvenirs de Beate Teresa Hanika

Résumé de l’éditeur : Elisabetta Shapiro, 80 ans, vit seule dans sa maison familiale au cœur de Vienne. De son enfance, elle a conservé des dizaines de pots de confiture d’abricot. Tous sont soigneusement étiquetés et indiquent l’année de leur fabrication. Véritable madeleine de Proust, la confiture fait immanquablement jaillir les souvenirs : les jours tranquilles rythmés par les chants de sa mère, Franz, le voisin dont elle était follement amoureuse, ses grandes sœurs qu’elle jalousait secrètement. Et puis la montée du nazisme dans les années 1930, l’arrestation de toute sa famille par les SS, la solitude et la perte des repères. Quand Pola, une jeune danseuse, emménage chez la vieille dame, ses habitudes sont chamboulées. D’autant plus que Pola lutte elle aussi contre ses propres démons. Malgré leurs différences, les deux femmes vont peu à peu se rapprocher et nouer des liens plus forts qu’elles ne l’auraient imaginé. 

Je suis toujours ravie de découvrir une nouvelle publication des éditions Les Escales. Malheureusement, ma lecture n’a pas été de tout repos cette fois-ci. J’ai beaucoup aimé les premières pages assez saisissantes où l’on fait la connaissance d’Elisabetta. On comprend très vite que cette viennoise âgée a été malmenée par le cours de l’Histoire. Cependant, ma lecture s’est assez rapidement gâtée lorsque l’auteur commence à changer de point de vue. J’ai vraiment eu du mal à savoir qui était qui et à quelle époque. Durant toute ma lecture, cet élément m’a rendue mal à l’aise. A force de vouloir suggérer sans cesse, l’effet désiré se perd ainsi que le lecteur au passage.

J’ai aimé Elisabetta et tout ce qu’elle porte en elle. La question se pose de comment vivre et survivre lorsque toute sa famille a été décimée. On comprend assez rapidement sa très grande solitude. En effet, les souvenirs et les fantômes de ses proches sont ses seuls compagnons de vie jusqu’à l’arrivée de la jeune Pola. La maison familiale, les confitures d’abricot et certaines sensations la ramènent sans cesse vers le passé. Elle m’a beaucoup touchée et intéressée. Deux Vienne nous sont données à voir : d’abord celle de la première moitié du XXe siècle où l’insouciance de l’enfance laisse place à l’horreur de l’extermination des juifs par le régime nazi, puis la ville du XXIe siècle.

Je ressors donc plutôt déçue de cette lecture qui promettait pourtant beaucoup. J’ai eu beaucoup de mal à suivre les changements de point de vue et d’époque. Je me suis sentie déroutée à plusieurs reprise. Par contre, je retiendrais le très beau personnage d’Elisabetta et son histoire familiale si forte et marquante.

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Le sourire des femmes de Nicolas Barreau

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Aurélie est une jeune parisienne qui se retrouve à la tête du restaurant familial après la mort de son père. Puisqu’un malheur n’arrive jamais seul : son compagnon la quitte pour une autre. Sous le choc, elle va errer dans Paris jusqu’à entrer dans une librairie et tomber sur un roman, Le sourire des femmes, qu’elle va dévorer en une nuit. Ce dernier contient un certain nombre de coïncidences qui vont faire qu’Aurélie va se donner un seul objectif : retrouver l’écrivain Robert Miller afin de comprendre comment elle et son restaurant ont pu se retrouver au cœur de l’intrigue. Mais elle va se heurter à André Chabanais, l’éditeur du roman.

Voilà longtemps que je souhaitais découvrir un roman des éditions Héloïse d’Ormesson. C’est chose faite et d’une bien belle manière avec cette comédie romantique. Cette histoire ne fait pas dans la nouveauté et suit les grandes lignes du genre. Mais j’ai aimé l’écriture simple et sans prétention de l’auteur. Nicolas Barreau met en place une intrigue intéressante. Dès les premières pages le lecteur se pose des questions sur ce qui arrive à Aurélie. Mais du fait de l’alternance du point de vue et de la narration à chaque chapitre entre Aurélie et André, l’auteur nous dévoile très vite ce qui se trame. J’aurai aimé qu’il fasse durer un peu plus le suspens. Le dénouement n’est donc pas très surprenant. Dès le début, la fin semble toute tracée.

Quiproquos et comique de situation sont au rendez-vous. J’ai souri à plusieurs passages devant certaines situations et surtout celles dans lesquelles s’embourbent André. Les deux héros sont attachants chacun à leur manière. Les personnages secondaires ne sont pas en reste puisqu’ils bénéficient chacun de traits de caractère singuliers qui leurs permettent d’exister vraiment. Nicolas Barreau nous donne à voir un monde de l’édition loin d’être idyllique. J’ai trouvé ces passages très drôles. Il faut noter qu’il y a un petit bonus en annexe où on nous offre les recettes du menu d’amour idéal que le père d’Aurélie lui a légué. Je tenterais bien le moelleux au chocolat !

Comme vous l’aurez compris, j’ai passé un bon moment en compagnie de ce joli petit roman. Il a tout à fait rempli son rôle en me faisant oublier mes soucis du quotidien et en me faisant rêver. J’avoue qu’il m’a fait beaucoup de bien après les pavés bien sérieux que j’ai lu en février. Je conseille ce roman à tous ceux qui souhaite avoir un peu de baume au cœur. Il doit être encore meilleur en le lisant d’une traite.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Héloïse d’Ormesson.

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Fanny