Une bonne école de Richard Yates

Résumé de l’éditeur : Septembre 1941, Connecticut. À la Dorset Academy, un campus sélect tout de vieilles pierres et de pelouses géantes, on entend former les fils de la haute bourgeoisie – parents et enseignants répètent à l’envi que c’est une « bonne école ». Pourtant, à son arrivée à l’internat, William Grove découvre l’envers du décor : lui, le fils nerveux d’un couple divorcé, se retrouve projeté dans un climat de « libido à l’état pur », ou les garçons les plus populaires règnent en maîtres. Même les professeurs ressemblent à des lions en cage – en particulier Jack Draper, invalidé par la polio, témoin impuissant de la liaison qu’entretiennent au grand jour sa femme et le prof de français. Et puis il y a Edith Stone, le fantasme de tous les élèves, qui est prête à vivre son premier amour…

C’est toujours avec enthousiasme que je commence un Richard Yates. Une bonne école est son avant-dernier roman. Dès les premières pages, celui-ci m’a déroutée et surprise. Nous sommes introduits dans un pensionnat pour garçons perdu dans la campagne américaine. L’auteur nous dépeint un portrait au vitriol, réaliste et parfois cruel de ces établissements où les rivalités, les humiliations et les petits ou grands drames sont courants. L’ambiguïté réside dans la nostalgie qui transparait parfois. Ceci est surement du à une forte part d’autobiographie car il faut savoir que Richard Yates a fréquenté une institution semblable dans le Connecticut.

Le lecteur assiste presque à un huis-clos où les élèves sont livrés à eux-mêmes et doivent faire leurs armes. C’est parfois un peu violent, glauque et inquiétant. Les professeurs sont à la fois à la traine et franchement névrosés. Ils ne semblent pas vraiment à la hauteur de la fragile réputation de cette école. Le monde extérieur et la Seconde Guerre mondiale font quelques incursions. Ce conflit parait d’abord lointain et irréel. En touchant certains élèves, il finit par devenir le sujet de toutes les conversations. Les éléments autobiographiques sont très nombreux. On les reconnait notamment en William, le principal protagoniste.

Ce court roman est assez particulier et différent de ce que j’ai pu lire précédemment avec Richard Yates. J’ai ressenti un réel intérêt à son égard mais il m’a laissée perplexe par son ambiguïté latente. J’ai surement oublié de parler de plusieurs éléments mais j’avoue que mon ressenti reste flou. Je serait curieuse de connaitre d’autres avis pour en discuter.

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Fanny

Captive de Margaret Atwood

Résumé de l’éditeur : 1859. Grace Marks, condamnée à perpétuité, tourne lentement en rond dans la cour d’un pénitencier canadien. À l’âge de seize ans, elle a été accusée de deux meurtres horribles. Personne n’a jamais su si elle était coupable, innocente ou folle. Lors de son procès, après avoir donné trois versions des faits, elle s’est murée dans le silence : amnésie ou dissimulation ? Le docteur Simon Jordan, jeune et prometteur spécialiste de la maladie mentale, veut découvrir la vérité. Il obtient l’autorisation de rencontrer Grace, de la faire longuement parler… Avec lui, la prisonnière va dévider le terrible fuseau de ses souvenirs : son enfance irlandaise, l’agonie de sa mère sur le bateau qui les emmène au Canada, ses emplois de domestique, la mort de sa seule amie… À écouter ce récit, Grace ne semble ni démente ni criminelle, et pourtant, que sont ces troublants rêves qu’elle cache à Jordan : cauchemars, hallucinations ou réminiscences d’actes monstrueux ?

Margaret Atwood a le vent en poupe ces derniers mois grâce notamment à La servante écarlate. Avec Captive, j’ai souhaité découvrir un autre de ses romans peut-être un peu moins connu. Je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps, je suis ressortie frustrée de cette lecture et un brin déçue. Le sujet est, en soi, très intéressant. Margaret Atwood reprend un fait divers canadien de la première moitié du XIXe siècle. Deux points de vue nous sont proposés. D’abord celui de Simon Jordan, jeune médecin et chercheur sur la maladie mentale, puis celui de Grace Marks, accusée de deux meurtres et enfermée dans un pénitencier. Une relation, parfois ambiguë, se noue entre les deux personnages principaux.

Le sujet, le cadre spatio-temporel et les personnages sont, de prime abord, passionnants. Malheureusement et très vite, la lassitude m’a envahie. L’ensemble est monotone malgré l’alternance de deux points de vue, la division en plusieurs parties et l’utilisation de différents schémas (la coupure de presse, la déposition, le récit pur, etc.). Généralement, j’aime les longs romans mais celui-ci m’a paru interminable. D’ailleurs, j’avoue avoir lu les 150 dernières pages en diagonale pour connaitre le destins de nos deux protagonistes. Je suis déçue car c’est tout à fait le genre de roman qui pourrait provoquer un coup de cœur chez moi ou tout du moins m’apporter un bon moment de lecture. C’est donc un rendez-vous manqué avec Margaret Atwood.

Le sujet, le contexte et les personnages sont intéressants. Malheureusement, l’ensemble m’a paru long et monotone. Je ressors donc déçue de cette lecture qui promettait pourtant beaucoup. La servante écarlate m’attend gentiment dans ma pile à lire. J’espère adhérer à l’élan général qui entoure ce roman.

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  • Harriet d’Elizabeth Jenkins
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Fanny

2 romans, 2 avis, 1 billet #2

Adobe Photoshop PDFLes Outrepasseurs, Tome 1 : Les héritiers de Cindy Van Wilder

J’ai acheté ce roman lors des Imaginales 2014 en même temps que de rencontrer l’auteure. Il s’agit d’une personne franche, sympathique et toute en bonne humeur. J’ai un peu attendu avant de découvrir ce premier tome mais je dois dire que je n’ai pas été déçue. En effet, Cindy dresse une histoire assez complexe et prenante. La majorité du récit se déroule lors d’un flashback vers le Moyen-âge. A mon sens, le style d’écriture est encore un peu timide. Même si ma lecture n’en a pas été gâchée, j’ai pu ressentir quelques maladresses mais rien de bien méchant. Peter découvre ses ancêtres et n’est finalement que peu présent dans ce premier tome. Je me suis passionnée et étonnée en même temps que ce jeune héros. Il est vrai qu’au début le décor planté peut paraitre un peu flou. Cependant, au fil des pages tout devient limpide.

Ce début de saga est ambitieux, intéressant et a su me convaincre. Cindy Van Wilder ne tombe pas dans la facilité et nous promet de belles aventures à venir. J’avoue avoir hâte de découvrir le second tome car je souhaite davantage apprendre à connaitre Peter et ce qu’il va advenir de son destin et de celui de Shirley qui lui est lié.

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Un dernier moment de folie, nouvelles oubliées de Richard Yates

Voici un auteur que j’aime tout particulièrement. Jusqu’à présent je n’avais lu de lui que des romans. C’est donc avec plaisir que je l’ai découvert dans un genre parfois glissant. Je dois dire que Richard Yates le maitrise avec brio. J’ai particulièrement aimé la fin cinglante en une seule phrase de la première nouvelle (Le Canal). Des cloches dans le petit matin reste le texte le plus marquant, le plus émouvant mais aussi le plus terrible. Richard Yates reste fidèle à ses thèmes de prédilection comme la lassitude, la difficulté de trouver sa place, l’influence et le souvenir de la guerre. C’est particulièrement bien écrit, c’est fin et c’est réfléchi. Mention spéciale pour la  couverture que je trouve complétement adapté.

C’est une réussite totale! Il s’agit d’un magnifique recueil de nouvelles. Encore une fois, Richard Yates a su m’embarquer dans son univers. L’ensemble est beau et touchant. Cet auteur devient une valeur sûre. Je n’hésiterais plus à aller vers l’un de ses ouvrages.

Fanny

MaddAddam de Margaret Atwood / Rentrée littéraire 2014

9782221141304Résumé de l’éditeur : Quand ce roman commence, la plus grande partie de la population de la Terre a été exterminée par une épidémie créée par l’homme ou, plus exactement, par un certain Crake, qui avait décidé de sauver la planète en éliminant l’humanité et en la remplaçant par des créatures innocentes, herbivores et pacifistes, les Crakers. Un petit groupe de survivants, comprenant des MaddAddam – des biogénéticiens terroristes qui luttaient auparavant contre les Corporations –, des Jardiniers de Dieu, qui se consacraient à la prière et à la vénération de la Terre, et les Crakers, évolue dans ce monde postapocalyptique. Leurs leaders, Toby et Zeb, protègent cette nouvelle communauté des offensives des Painballers ultraviolents et des porcons géants, des hybrides de porcs et d’humains avec qui ils devront conclure finalement un pacte pour venir à bout de menaces plus dangereuses encore pour tous. Les survivants forment un groupe traumatisé et cynique mais ou naissent des histoires d’amour et de solidarité, signe d’espoir pour l’avenir de l’humanité.

Ce roman de science-fiction n’a rien à envier à la grande mode de la dystopie adolescente et young-adult puisqu’ici l’auteure va bien plus loin et instaure un univers plus complexe, poussé, recherché, vraisemblable et donc plus intéressant. Il existe un élément que j’aime particulièrement dans ce genre de roman post-apocalyptique, c’est le côté survie, système D voire régression technologique et retour à des façons de vivre plus anciennes et à des valeurs saines et primordiales. Le lecteur se met d’ailleurs forcément à la place des héros. Des questions s’immiscent dans notre esprit tels que : « Qu’est-ce que je serais prêt à faire pour sauver ma peau et celle de mon entourage dans des conditions extrêmes ». Malgré les conditions difficiles, les menaces et les sentiments exacerbés, nous sommes régulièrement face à des moments de sérénité qui permettent de relâcher la tension. Il y en a bien besoin dans ce monde terrible!

Certains éléments rappellent notre environnement ou l’actualité comme la recherche à tout prix de la jeunesse, le pouvoir de l’argent et du sexe. L’auteure pose la question du chemin que l’humanité est en train de prendre et le résultat de notre consommation à tout va. Voulons-nous d’un monde comme nous le décrit Margaret Atwood? Il y a certains éléments troublants et notamment le fait que les créatures créées par l’homme, les crackers, sont terriblement attachantes et attendrissantes. Quelles sont les limites relationnelles avec ces êtres artificiels? Malgré une certaine noirceur l’histoire finit sur une belle note et un joli ton. Malgré tout des questions restent en suspens. Cet opus peut se lire indépendamment des deux premiers tomes de la série (Le dernier homme et Le temps du déluge). Il faut tout de même un temps d’adaptation à l’univers créé ainsi qu’à la mise en forme du récit. D’ailleurs j’ai grandement apprécié les flashbacks sur la vie de Zebulon (dit Zeb). Ils permettent de bien comprendre et de s’approprier tout ce qu’a tissé précédemment Magaret Atwood.

Des personnages attachants, un humour noir, un récit rythmé, une belle plume et une ambiance recherché, ce roman fut un plaisir à parcourir. Cette histoire dystopique fait froid dans la dos car il est impossible de ne pas reconnaitre l’aboutissement du chemin qu’est en train de prendre notre société de surconsommation. A lire!

Fanny

La lumière des étoiles mortes de John Banville / Rentrée littéraire 2014

9782221133644Résumé de l’éditeur : Qu’est-ce qui sépare la mémoire de l’imagination ? Cette question hante Alex alors qu’il se remémore son premier – peut-être son unique – amour, Mme Gray, la mère de son meilleur ami d’adolescence. Pourquoi ces souvenirs resurgissent-ils maintenant, à cinquante ans de distance, se télescopant avec ceux de la mort de sa fille, Cass, dix ans plus tôt ? Un grand Banville, troublant et sensuel, sur la façon dont les jeux du temps malmènent le cœur humain.

Je ne connaissais pas du tout cet auteur irlandais avant de découvrir son nouveau roman édité et traduit pour cette rentrée littéraire. J’ai donc pu à mon tour profiter de sa plume et d’une ambiance bien particulières. En effet, l’écriture de l’auteure est un délice à lire. Le vocabulaire est soutenu et varié. Le tout est surmonté d’une sensualité et d’une sensibilité qui donne à cette histoire un ton délicat et plein de sens. John Banville met en place un beau roman qui tourne autour de la fugue des souvenirs à propos d’évènements qui ont pu jalonnés notre vie. Alex, un acteur sur le retour, tente de coucher par écrit ses pensées. Mais la mémoire est bien facétieuse et certains détails lui échappent provoquant parfois chez lui une certaine frustration.

La construction du récit m’a plu. Nous partageons notre lecture entre le temps présent et flashbacks. Certains passages sont assez émouvants et ont su me toucher. Le titre est une parfaite métaphore et représente très bien ce que contient ce livre ainsi que les sentiments du personnage principal. On est forcé de se reconnaitre dans cette nostalgie et cette prise de conscience des aléas de la mémoire. On aimerait tout retenir, tout enfermé dans notre esprit à la manière de la pensine du monde d’Harry Potter. En ce qui concerne les personnages, Mme Gray, avec qui Alex a une aventure alors qu’il n’a que 15 ans, reste une figure floue dans le sens où on ne connait pas ce qu’elle ressent vis-à-vis d’Alex ni ses motivations de continuer leur liaison.

Ce roman habilement écrit et mené est pour ma part une réussite. Il est empli de sens, de vérité et de sensibilité. John Banville nous offre une histoire où la mémoire joue des tours au héros en oubliant ou au contraire en exacerbant certains souvenirs. Un auteur à découvrir et une plume à savourer.

Fanny