Et c’est comme ça qu’on a décidé de tuer mon oncle de Rohan O’Grady

Résumé de l’éditeur : Barnaby Gaunt, orphelin turbulent et héritier d’une immense fortune, est envoyé pour les vacances d’été sur une île à la nature luxuriante et aux habitants vieillissants au large de la Colombie Britannique. Vitres cassées, animaux effrayés, très vite, il bouleverse la routine des insulaires, avant de découvrir la véritable raison de sa venue : son oncle diabolique veut l’assassiner. Décidé à ne pas se laisser faire, Barnaby, aidé de Christie, la seule petite fille de l’île, comprend qu’il n’y a qu’un moyen d’en réchapper, éliminer l’oncle en premier.

Et c’est comme ça qu’on a décidé de tuer mon oncle inaugure la nouvelle collection jeunesse, Monsieur Toussaint Laventure, des éditions Monsieur Toussaint Louverture. Pour une première, c’est une réussite! Rohan O’Grady est une romancière canadienne ayant publié ce roman dans les années 60. C’est seulement maintenant qu’il apparait sur les tables de nos librairies françaises. L’écrivaine développe un univers délicieusement désuet. Nos deux têtes blondes, Barnaby et Christie, viennent perturber la vie paisible des habitants d’une île morne et sauvage. C’est peu dire puisqu’ils s’entendent comme chien et chat et font les quatre cent coups ensemble.

Plus les pages défilent et plus l’atmosphère devient pesante et inquiétante. D’abord bon enfant, le roman se fait rapidement plus sombre. A plusieurs reprises, le lecteur ressent un malaise, comprenant sans vraiment le vouloir certains sous-entendus grâce à une double lecture. La mort est omniprésente et plane sur tout ce petit monde tout comme la guerre dont le souvenir semble impérissable. La sauvegarde des animaux est chère aux yeux de Rohan O’Grady. En effet, elle introduit un cougar malmené et chassé par l’homme du nom révélateur d’Une Oreille. Des personnages hauts en couleur, de l’humour noir et des rebondissements sont au rendez-vous pour cette aventure jeunesse hors du commun.

J’ai beaucoup aimé ce roman jeunesse qui plaira également aux adultes. Les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont bien fait de proposer ce récit tellement méconnu aux lecteurs français. Je ne peux d’ailleurs que vous encourager à découvrir cette histoire sombre et lumineuse à la fois. Tout comme Watership Down parut chez le même éditeur, je ne suis pas prête d’oublier cette intrigue pour le moins étonnante et singulière.

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Fanny

Captive de Margaret Atwood

Résumé de l’éditeur : 1859. Grace Marks, condamnée à perpétuité, tourne lentement en rond dans la cour d’un pénitencier canadien. À l’âge de seize ans, elle a été accusée de deux meurtres horribles. Personne n’a jamais su si elle était coupable, innocente ou folle. Lors de son procès, après avoir donné trois versions des faits, elle s’est murée dans le silence : amnésie ou dissimulation ? Le docteur Simon Jordan, jeune et prometteur spécialiste de la maladie mentale, veut découvrir la vérité. Il obtient l’autorisation de rencontrer Grace, de la faire longuement parler… Avec lui, la prisonnière va dévider le terrible fuseau de ses souvenirs : son enfance irlandaise, l’agonie de sa mère sur le bateau qui les emmène au Canada, ses emplois de domestique, la mort de sa seule amie… À écouter ce récit, Grace ne semble ni démente ni criminelle, et pourtant, que sont ces troublants rêves qu’elle cache à Jordan : cauchemars, hallucinations ou réminiscences d’actes monstrueux ?

Margaret Atwood a le vent en poupe ces derniers mois grâce notamment à La servante écarlate. Avec Captive, j’ai souhaité découvrir un autre de ses romans peut-être un peu moins connu. Je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps, je suis ressortie frustrée de cette lecture et un brin déçue. Le sujet est, en soi, très intéressant. Margaret Atwood reprend un fait divers canadien de la première moitié du XIXe siècle. Deux points de vue nous sont proposés. D’abord celui de Simon Jordan, jeune médecin et chercheur sur la maladie mentale, puis celui de Grace Marks, accusée de deux meurtres et enfermée dans un pénitencier. Une relation, parfois ambiguë, se noue entre les deux personnages principaux.

Le sujet, le cadre spatio-temporel et les personnages sont, de prime abord, passionnants. Malheureusement et très vite, la lassitude m’a envahie. L’ensemble est monotone malgré l’alternance de deux points de vue, la division en plusieurs parties et l’utilisation de différents schémas (la coupure de presse, la déposition, le récit pur, etc.). Généralement, j’aime les longs romans mais celui-ci m’a paru interminable. D’ailleurs, j’avoue avoir lu les 150 dernières pages en diagonale pour connaitre le destins de nos deux protagonistes. Je suis déçue car c’est tout à fait le genre de roman qui pourrait provoquer un coup de cœur chez moi ou tout du moins m’apporter un bon moment de lecture. C’est donc un rendez-vous manqué avec Margaret Atwood.

Le sujet, le contexte et les personnages sont intéressants. Malheureusement, l’ensemble m’a paru long et monotone. Je ressors donc déçue de cette lecture qui promettait pourtant beaucoup. La servante écarlate m’attend gentiment dans ma pile à lire. J’espère adhérer à l’élan général qui entoure ce roman.

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Fanny

La porte du ciel de Dominique Fortier

9782365692915Résumé de l’éditeur : Au coeur de la Louisiane et de ses plantations de coton, deux fillettes grandissent ensemble. Tout les oppose. Eleanor est blanche, fille de médecin ; Eve est mulâtre, fille d’esclave. Elles sont l’ombre l’une de l’autre, soumises à un destin qu’aucune des deux n’a choisi. Dans leur vie, il y aura des murmures, des désirs interdits, des chemins de traverse. Tout près, surtout, il y aura la clameur d’une guerre où des hommes affrontent leurs frères sous deux bannières étoilées. Plus loin, dans l’Alabama, des femmes passent leur vie à coudre. Elles assemblent des bouts de tissu, Pénélopes modernes qui attendent le retour des maris, des pères, des fils partis combattre. Leurs courtepointes sont à l’image des États-Unis : un ensemble de morceaux tenus par un fil – celui de la couture, celui de l’écriture. Entre rêve et histoire, Dominique Fortier dépeint une Amérique de légende qui se déchire pour mieux s’inventer et pose avec force la question de la liberté.

La lecture de ce roman m’enthousiasmait sincèrement. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. J’avoue avoir eu du mal à aller au bout des 250 pages. La thématique de base est pourtant passionnante. En effet, l’auteur nous introduit en Louisiane à l’époque où le fossé entre blancs libres et noirs esclaves semblent impossible à combler. C’est principalement la construction de ce roman qui m’a désarçonnée. Dominique Fortier fait le choix de passer du coq à l’âne régulièrement. Ceci m’a pas mal perturbée et m’a donné une impression de brouillon. Il y a également beaucoup de longueurs. A mon sens, elle détaille à outrance certaines idées qui s’assimilent rapidement mais aussi certaines scènes qui m’ont paru sans intérêt comme un combat de coq interminable par exemple.

Bien sûr, tout n’est pas mauvais dans ce roman. L’histoire d’Eleanor et d’Eve que l’ont suit par intermittence m’a plu. Elles s’interrogent beaucoup sur leur condition respective. Leur destin est assez intéressant à suivre. Par contre, il m’a été difficile de m’attacher à elles car il y a comme une barrière qui nous empêche de nous rapprocher. Ensuite, j’ai beaucoup aimé les chapitres purement historiques. Ils mettent le lecteur dans le contexte et son évolution. L’auteur fait souvent des sauts dans le temps. Ces passages permettent donc de bien se repérer dans la chronologie. Dominique Fortier livre ici un roman qu’on sent engagé. La liberté, l’égalité, le libre-arbitre, la condition des femmes sont autant d’éléments qui lui tiennent à cœur et qu’elle souhaite transmettre.

Malheureusement, ce ne fut pas une lecture totalement heureuse me concernant. C’est assez rare avec les éditions des Escales. Le style de l’auteur n’a pas réussi à me convaincre à cause d’un surplus de longueurs et de passages sans intérêt. Cependant, les chapitres concernant Eleanor et Eve ainsi que les passages purement historiques m’ont plu mais n’ont pas suffit à m’embarquer totalement.

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Fanny

Etta et Otto (et Russell et James) de Emma Hooper

9782365690829Résumé de l’éditeur : Dans sa ferme du fin fond du Saskatchewan, Etta, 83 ans, n’a jamais vu l’océan. Un matin, elle enfile ses bottes, emporte un fusil et du chocolat et entame les 3 232 kilomètres qui la séparent de la mer. « J’essaierai de ne pas oublier de rentrer. » C’est le mot qu’elle laisse à Otto, son mari. Lui a déjà vu l’océan, il l’a même traversé des années plus tôt, pour prendre part à une guerre lointaine. Il comprend la décision de sa femme mais, maintenant qu’elle n’est plus là, ne sait plus comment vivre. Russell, l’ami d’enfance d’Otto, a passé sa vie à aimer Etta de loin. Il ne peut se résoudre à la laisser seule et part à sa suite. Et qui sait, peut-être pourra-t-il chasser le caribou en chemin.

Ce beau roman m’a permis quelques heures de répit après les attentats du 13 novembre. Certes, il faut continuer à vivre malgré l’incertitude de la situation et de l’avenir mais lorsque les évènements sont trop lourds à porter un livre est toujours le bienvenu pour se ressourcer. Etta et Otto est un road-trip canadien. Nous suivons Etta, 83 ans, dans sa quête pour voir la mer pour la première fois de sa vie en parcourant plusieurs milliers de kilomètres. Elle va faire des rencontres parfois farfelues mais pleines de sens. Otto est un beau personnage qui doit vivre sans sa femme. En effet, cette dernière s’occupait de tout à la maison, il doit donc se prendre en main ce qui nous donne à lire des moments assez drôles.

Nous oscillons entre présent et flashbacks ainsi qu’entre trois points de vue différents. Nous assistons donc à la rencontre entre Etta et Otto au début de la Seconde Guerre mondiale. Nous comprenons ce qu’ils ont traversé durant tant d’années. Cette histoire possède une vraie force et peut faire écho en chacun d’entre nous. Les thèmes de la vieillesse, de la perte de mémoire et du souvenir sont toujours présents. C’est nostalgique, mélancolique mais toujours pudique et sensible. On s’attache facilement aux différents protagonistes qui ont tous vécu des coups durs. Les descriptions des différents paysages canadiens sont exquises à lire. On ressent toute la grandeur de ce territoire.

Comme vous l’aurez compris, ce livre est une belle découverte. Pour un premier roman Emma Hooper s’en sort haut la main. Le mélange présent/flashbacks, points de vue distincts, thématique de la vieillesse et road-trip fonctionne très bien. J’ai également apprécié la sensibilité, la pudeur et la profondeur de l’ensemble.

big-logoFanny

MaddAddam de Margaret Atwood / Rentrée littéraire 2014

9782221141304Résumé de l’éditeur : Quand ce roman commence, la plus grande partie de la population de la Terre a été exterminée par une épidémie créée par l’homme ou, plus exactement, par un certain Crake, qui avait décidé de sauver la planète en éliminant l’humanité et en la remplaçant par des créatures innocentes, herbivores et pacifistes, les Crakers. Un petit groupe de survivants, comprenant des MaddAddam – des biogénéticiens terroristes qui luttaient auparavant contre les Corporations –, des Jardiniers de Dieu, qui se consacraient à la prière et à la vénération de la Terre, et les Crakers, évolue dans ce monde postapocalyptique. Leurs leaders, Toby et Zeb, protègent cette nouvelle communauté des offensives des Painballers ultraviolents et des porcons géants, des hybrides de porcs et d’humains avec qui ils devront conclure finalement un pacte pour venir à bout de menaces plus dangereuses encore pour tous. Les survivants forment un groupe traumatisé et cynique mais ou naissent des histoires d’amour et de solidarité, signe d’espoir pour l’avenir de l’humanité.

Ce roman de science-fiction n’a rien à envier à la grande mode de la dystopie adolescente et young-adult puisqu’ici l’auteure va bien plus loin et instaure un univers plus complexe, poussé, recherché, vraisemblable et donc plus intéressant. Il existe un élément que j’aime particulièrement dans ce genre de roman post-apocalyptique, c’est le côté survie, système D voire régression technologique et retour à des façons de vivre plus anciennes et à des valeurs saines et primordiales. Le lecteur se met d’ailleurs forcément à la place des héros. Des questions s’immiscent dans notre esprit tels que : « Qu’est-ce que je serais prêt à faire pour sauver ma peau et celle de mon entourage dans des conditions extrêmes ». Malgré les conditions difficiles, les menaces et les sentiments exacerbés, nous sommes régulièrement face à des moments de sérénité qui permettent de relâcher la tension. Il y en a bien besoin dans ce monde terrible!

Certains éléments rappellent notre environnement ou l’actualité comme la recherche à tout prix de la jeunesse, le pouvoir de l’argent et du sexe. L’auteure pose la question du chemin que l’humanité est en train de prendre et le résultat de notre consommation à tout va. Voulons-nous d’un monde comme nous le décrit Margaret Atwood? Il y a certains éléments troublants et notamment le fait que les créatures créées par l’homme, les crackers, sont terriblement attachantes et attendrissantes. Quelles sont les limites relationnelles avec ces êtres artificiels? Malgré une certaine noirceur l’histoire finit sur une belle note et un joli ton. Malgré tout des questions restent en suspens. Cet opus peut se lire indépendamment des deux premiers tomes de la série (Le dernier homme et Le temps du déluge). Il faut tout de même un temps d’adaptation à l’univers créé ainsi qu’à la mise en forme du récit. D’ailleurs j’ai grandement apprécié les flashbacks sur la vie de Zebulon (dit Zeb). Ils permettent de bien comprendre et de s’approprier tout ce qu’a tissé précédemment Magaret Atwood.

Des personnages attachants, un humour noir, un récit rythmé, une belle plume et une ambiance recherché, ce roman fut un plaisir à parcourir. Cette histoire dystopique fait froid dans la dos car il est impossible de ne pas reconnaitre l’aboutissement du chemin qu’est en train de prendre notre société de surconsommation. A lire!

Fanny