Un lieu incertain de Fred Vargas (challenge Halloween #1)

Je lis très peu de roman policier, c’est pourtant un genre que j’apprécie lorsque j’ose y mettre un pied. En parlant de pied, est-ce qu’une histoire à base de petons coupés vous tente ? Dit comme ça, ce n’est pas très ragoutant j’en conviens. Cependant, Fred Vargas possède l’art et la manière de mêler le gore et l’humour, le flegme et la tension.

La romancière met en place un mélange hétéroclite à base de mythes et légendes serbes. Vampires, vieilles histoires de pieds coupés et affaires de famille viennent mettre de leur piquant dans l’intrigue. J’ai pu découvrir à mon tour le fameux Jean-Baptiste Adamsberg, un bel exemple de force tranquille. Il s’agit d’un personnage pas si évident à cerner, il peut même paraitre un brin taciturne. Par contre, il est très agréable de le suivre dans ses pérégrinations physiques et mentales.

L’enquête débute aux portes du cimetière de Highgate à Londres pour se conclure au cœur de la Serbie profonde. Frisson et suspens garantis ! Entrer dans ce roman, c’est entrer en terre inconnue et dans un tourbillon d’investigations et de situations qui se croisent. Le lecteur rencontre toute une panoplie d’enquêteurs tous plus foutraques les uns que les autres et aux manies bien particulières. Les protagonistes sont donc hauts en couleurs mais aussi hautement attachants. D’autres sont carrément diaboliques.

Un lieu incertain sort complétement des sentiers battus du roman policier. Fred Vargas se joue des codes du genre avec un humour décapant et c’est délicieux (si on oublie les histoires de pieds coupés bien sûr…).

Participation au challenge Halloween de Lou et Hilde!

Fanny

L’Oeuvre d’Émile Zola (Rougon-Macquart #14)

Une petite apparition ni vue ni connue sur ce blog laissé à l’abandon… Une nouvelle fois, le lobbying de ma chère Petite marchande de prose a fait des ravages ! L’Œuvre a été abordé pendant notre Skype book club, mes collègues et moi étions sous le charme. Ma première incursion en terre zolienne fut une véritable révélation. J’ai dévoré Au bonheur des dames pratiquement dans la foulée.

L’Œuvre est le quatorzième tome de la fresque familiale des Rougon-Macquart. On y suit Claude Lantier, peintre éperdu et tout entier dévoué à son art. Emile Zola signe un roman d’abord lumineux glissant tout doucement vers les ténèbres de la création artistique. Sans le citer directement, c’est bien du mouvement impressionniste dont il est question. L’auteur retrace le parcours de ces as du pinceau à l’œil redoutable, des débuts flamboyants du groupe jusqu’à la scission de ses membres due à des divergences de point de vue. L’effervescence de nouvelles trouvailles picturales et la franche camaraderie laissent vite place à la compétition et au ressentiment. Nous assistons impuissants à la chute d’un artiste englué dans son jusqu’au-boutisme.

Grâce à son talent journalistique et d’analyse, Émile Zola écrit et décrit ses contemporains et son époque avec brio. La lectrice du XXIe siècle que je suis s’est vue remonter le temps à vitesse grand V (Marty sort de ce corps !). J’ai particulièrement adoré parcourir aux côtés de Claude les salons tant attendus dans une carrière d’artiste-peintre. Sa fébrilité, les commentaires entendus, la foule sont palpables. Les critiques furent extrêmement dures envers ces jeunes gens en avance sur leur temps mais qui ont pourtant révolutionné la peinture. J’en rajoute une couche, les descriptions sont incroyables et ce dès les premières pages lorsque nous sommes introduits dans l’atelier de Claude. Merveilleux ! Emile Zola fait preuve d’une grande liberté de ton notamment sur le couple, le mariage ou encore la sexualité.

Je vais m’arrêter là mais sachez que je pourrais encore en écrire des tartines. Je vous parlerai prochainement de ma lecture d’Au bonheur des dames. Le suivant sera très certainement L’Assommoir. J’ai si hâte.

La Passe-miroir, Tome 2 : Les disparus du Clairdelune de Christelle Dabos

Cette chronique n’est franchement pas facile à écrire. Bon je me lance! Sans être un coup de cœur ni réellement exceptionnel, le premier tome de cette saga si plébiscitée m’avait plutôt bien embarquée. Ce fut une toute autre histoire avec ce second opus dont je ressors bien mitigée. J’ai mis près de 200 pages a vraiment entrer dans le récit, avec l’impression de tourner en rond. Ensuite, les longueurs se sont enchainées malgré quelques rebondissements venant rehausser le rythme. L’ensemble m’a paru assez inégal et manquant de substance.

L’un des gros points forts de cette série de romans, et qui va faire que je vais peut-être laisser une chance au troisième opus, reste son univers unique et réussi. Le contexte social, politique et diplomatique est passionnant à découvrir. J’ai également particulièrement apprécié de parcourir la Citacielle et les Sables d’Opale, hauts lieux d’évolution des habitants du pôle. L’autre point fort de ce tome est sa chute. En effet, les dernières pages m’ont tout simplement captivée. La réflexion sur la religion et la tournure des évènements apportent une richesse à l’intrigue. Dommage qu’elles ne soient condensées qu’à la toute fin.

Vous l’aurez compris, ce fut une lecture bien difficile pour moi. Ce second tome m’a paru bien inégal et manquant de corps malgré une chute digne d’intérêt. L’univers créé par Christelle Dabos est pourtant riche et intéressant. A voir si je me sens suffisamment motivée pour lire la suite.

Fanny

Adèle et moi de Julie Wolkenstein

Résumé de l’éditeur : Après la mort de mon père, j’ai trouvé en rangeant ses papiers des documents sur sa grand-mère dont j’ignorais tout et qui révélaient un secret de famille. Je ne me suis jamais intéressée aux ancêtres de personne : les gens que je ne connais pas, surtout s’ils sont morts, me sont cent fois plus étrangers, même s’ils me sont apparentés, que les personnages de romans. Mais il y avait dans ce que je découvrais sur cette arrière-grand-mère des choses qui me plaisaient, d’autres que j’aurais voulu savoir. J’ai hésité à enquêter. Ce livre est le résultat de mes hésitations.

Depuis la fin de l’aventure du Grand prix des lectrices Elle 2019, je m’efforce de diminuer ma pile à lire et de lire des livres qui m’attendent depuis trop longtemps dans ma bibliothèque. Adèle et moi fait partie de ces romans que je souhaitais découvrir depuis plusieurs années. Une partie se déroule dans le Sud-Manche où je suis née, d’où mon intérêt. Entre Jullouville, Saint-Pair-sur-Mer et Granville, Julie Wolkenstein décrit un littoral battu par les vents. Cependant, le sujet principal est bien son histoire familiale. Cette dernière se déploie sous nos yeux dans les moindres détails. L’écrivaine redonne vie et sentiments à ses aïeux à partir de journaux intimes et de témoignages.

Julie Wolkenstein se joue des genres littéraires. En effet, la frontière est ténue entre roman, biographie et autobiographie. Les pistes sont également brouillées entre fiction  et réalité. Cette héroïne a traversé trois guerres, des deuils et des déceptions en trouvant des échappatoires, notamment la marche. Adèle est un personnage plutôt ordinaire mais rendue inoubliable par son parcours, son humanité et sa sensibilité. Certains passages m’ont un peu moins plu. En effet, les nombreuses interrogations de la romancière apportent parfois quelques longueurs. Pour le reste, l’écriture est fluide et l’ensemble très plaisant à lire.

Le constat est clair : j’ai bien fait de sortir ce roman en dormance dans ma pile à lire. Adèle est moi est un ouvrage entre roman, biographie et autobiographie. L’écrivaine se joue de son lecteur concernant la réalité des faits familiaux. Toujours est-il que Julie Wolkenstein nous entraine dans une époque traversée par trois guerres où les femmes commencent à gagner leur indépendance. Les décors de la côte normande sont superbement décrits.

Vous aimerez aussi découvrir :

  • Ásta de Jón Kalman Stefansson
  • Madame, vous allez m’émouvoir de Lucie Tesnière
  • Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig

Fanny

3 livres, 3 avis, 1 billet

Diaboliques de Cédric Meletta

La Seconde guerre mondiale est une période historique qui m’intéresse beaucoup. Je ne compte plus le nombre de documentaires, de séries ou de films que j’ai pu voir, ni le nombre de livres que j’ai pu parcourir sur le sujet. Ce dernier semble inépuisable et analysable sous de multiples aspects. Grâce à un travail de recherches poussé, Cédric Meletta nous dépeint sept portraits de femmes complétement oubliées ayant participé à des manœuvres aux conséquences plus ou moins graves entre petits arrangements, délations et collaborations actives. Malheureusement, ma lecture ne fut pas sans embuches. Trop de noms de personnes et trop de digressions m’ont empêchée de profiter pleinement de cet ouvrage. Je me suis souvent emmêlée les pinceaux et c’est bien dommage.

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Les détectives du Yorkshire, Tome 2 : Rendez-vous avec le mal de Julia Chapman

Quelle période idéale que le mois anglais pour se replonger avec délice dans des ouvrages so british. Chaque mois de juin de chaque année renouvelle ce plaisir. J’ai donc terminé tranquillement le second opus des Détectives du Yorkshire. Je l’avais commencé lors de sa sortie en 2018 sans jamais réussir à l’avancer et le finir. Le roman est assez lent à démarrer, ce qui a provoqué un petit blocage. Deux intrigues se croisent entre kidnapping d’un bélier et faits étranges dans la maison de retraite de Bruncliffe. L’atmosphère générale de cette petite ville d’Angleterre est agréable à retrouver surtout avec ce style très britannique et les touches d’humour. Pour ne rien gâcher, je ne peux que constater que je suis déjà très attachée aux personnages de cette saga. Je continuerais cette série de romans détente et j’espère que le passé entourant les deux héros va quelque peu se dévoiler.

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Sauveur & fils, Saison 2 de Marie-Aude Murail

La sortie poche de ce second opus a permis mes retrouvailles avec toute une bande de personnages très amicaux. Sauveur & fils est certes bourré d’humour, de bons mots, d’humanité et de compréhension mais c’est aussi la réalité de notre société qui nous est montrée. Les personnalités sont multiples tout comme les maux psychologiques. Le mal-être des petits mais aussi des grands est à la fois touchant et révoltant. La famille traditionnelle n’est plus le modèle unique, la question de la recomposition se pose inévitablement. Les dialogues sont à noter, on assiste régulièrement à de très beaux échanges où la parole finit par se libérer et devient salvatrice. Pas de coup de cœur mais ce roman reste une très bonne lecture. Je suis déjà impatiente de retrouver tout ce petit monde l’année prochaine lors de la sortie poche du troisième tome.

Vous aimerez aussi découvrir :

  • Les détectives du Yorkshire, Tome 1 : Rendez-vous avec le crime de Julia Chapman
  • Les jonquilles de Green Park de Jérôme Attal
  • Miss Charity de Marie-Aude Murail

Fanny

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo

Résumé de l’éditeur : « Il était là, grave, immobile, absorbé dans un regard et dans une pensée. Tout Paris était sous ses pieds, avec les mille flèches de ses édifices et son circulaire horizon de molles collines, avec son fleuve qui serpente sous ses ponts et son peuple qui ondule dans ses rues, avec le nuage de ses fumées, avec la chaîne montueuse de ses toits qui presse Notre-Dame de ses mailles redoublées. Mais dans toute cette ville, l’archidiacre ne regardait qu’un point du pavé :la place du Parvis ; dans toute cette foule, qu’une figure : la bohémienne. Il eût été difficile de dire de quelle nature était ce regard, et d’où venait la flamme qui en jaillissait. C’était un regard fixe, et pourtant plein de trouble et de tumulte. Et à l’immobilité profonde de tout son corps, à peine agité par intervalles d’un frisson machinal, comme un arbre au vent, à la roideur de ses coudes plus marbre que la rampe où ils s’appuyaient, à voir le sourire pétrifié qui contractait son visage, on eût dit qu’il n’y avait plus dans Claude Frollo que les yeux du vivant. »

Le terrible incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris m’a beaucoup remuée, autant par le fait lui-même que par la fracture qu’il a provoqué. J’ai souhaité proposer une lecture commune sur le forum Whoopsy Daisy, un hommage à l’échelle des amoureux de lecture et de littérature. Je n’avais jamais lu Victor Hugo avant d’ouvrir les pages de ce roman. Il s’agit donc d’une grande première. Malgré des débuts laborieux, je ressors finalement enthousiasmée de mes heures passées en compagnie de ce grand classique de la littérature française. L’auteur digresse énormément dans le premier tiers de son récit, une impression de longueur s’est imposée à moi. Ensuite, l’histoire se met parfaitement en place et ce ne fut que régal et plaisir.

Victor Hugo nous offre une vision du Moyen-Âge par un homme du début du XIXe. C’est assez fascinant mais aussi très intéressant à découvrir. Se déploie sous nos yeux un Paris à la fois violent, mystérieux, gothique et romantique. Une population hétéroclite grouille.  Le romancier dessine des personnages écorchés par la vie et aux sentiments contrariés de manière très expressive ainsi que détaillée. En effet, les portraits sont plus vrais que nature et pour le moins hors du commun. Sans surprise, l’écriture de Victor Hugo est exceptionnelle. J’aime particulièrement cette sensation de lire un roman qu’il serait impossible d’écrire aujourd’hui. La force des sentiments, de l’instinct, de l’humain, des lieux et des mots est très prégnante.

Je suis ravie d’avoir découvert ce roman malgré les circonstances. Petit à petit, je me suis passionnée pour l’histoire, les personnages et la plume impressionnante de Victor Hugo. Notre-Dame de Paris est un récit dense et sombre qu’il serait sûrement impossible d’écrire aujourd’hui. J’aimerai maintenant continuer mon incursion dans l’œuvre de Victor Hugo avec Les misérables ou encore L’homme qui rit

Vous aimerez aussi découvrir :

  • Frenchman’s creek de Daphne du Maurier
  • La déchéance de Mrs Robinson de Kate Summerscale
  • La guerre et la paix de Léon Tolstoï

Fanny

Alex, fils d’esclave de Christel Mouchard

Résumé de l’éditeur : Le jeune Alex a une vie trépidante. Ses exploits en escrime et ses succès à la cour font de lui un des nobles les plus admirés de Paris. Mais ses origines le rattrapent lorsqu’il retrouve sa sœur, esclave comme leur mère, qui s’apprête à rejoindre une révolte en Haïti. Alex décide de prendre lui aussi son destin en main, car partout se murmure un mot… Révolution!

Cette biographie romancée pour la jeunesse nous emmène sur les traces du père d’Alexandre Dumas. Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie est né à Saint-Domingue en 1762. Son destin hors du commun se déroule devant le lecteur depuis une colonie française jusqu’à Paris, d’une condition d’esclave jusqu’à l’affranchissement et une carrière militaire. Christel Mouchard développe un roman au rythme soutenu. Aucun temps mort n’est à souligner. Nous sommes les témoins d’une véritable aventure agréable à suivre dans plusieurs ambiances bien distinctes et aux rebondissements bien présents. L’ensemble est doublé d’une véritable portée pédagogique.

Une part d’identification est possible pour les plus jeunes grâce à la part de récit d’apprentissage de ce roman. Christel Mouchard démontre qu’il est toujours possible de sortir de sa condition pour évoluer. C’est aussi le récit d’une filiation pas toujours évidente à assumer et dont les rouages sont parfois flous. Je regrette simplement un manque de détails. C’est clairement mon coté amatrice de descriptions qui parle. Je suis donc bien consciente que cet ouvrage conviendra parfaitement à un public plus jeune. Une part de fantaisie est présente et permet de contrecarrer les  sujets difficiles abordés comme l’esclavage. Mention spéciale au perroquet vraiment cocasse.

Alex, fils d’esclave est une biographie romancée jeunesse plutôt réussie avec un véritable sens pédagogique. Je reste un peu sur ma faim concernant le manque de détails. Cependant, j’ai apprécié découvrir le destin hors du commun et méconnu de Thomas Alexandre Dumas. Le public jeunesse ciblé y trouvera de toute façon son compte. La très belle couverture de François Roca est à signaler.

logo-litVous aimerez aussi découvrir :

  • L’extraordinaire voyage de Sabrina de P. L. Travers
  • The making of Mollie d’Anna Carey
  • Un assassin de première classe de Robin Stevens

Fanny

Né d’aucune femme de Franck Bouysse

Résumé de l’éditeur : « Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile. – Et alors, qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? demandai-je. – Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés. – De quoi parlez-vous ? – Les cahiers… Ceux de Rose. » Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, nous offre avec Né d’aucune femme la plus vibrante de ses œuvres. Avec ce roman sensible et poignant, il confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.

Né d’aucune femme est habillé d’une couverture pour le moins intrigante et d’un résumé qui ne l’est pas moins. Pour son nouveau roman, Franck Bouysse mélange les genres. Entre roman du terroir, récit noir et fresque sociale, l’auteur signe une intrigue d’une violence rude et âpre. Une ambiance austère se développe et enveloppe les personnages et par extension le lecteur. Le récit est porté par plusieurs voix. L’auteur n’oublie pas d’adapter son style à chaque protagoniste. Ceci est très bien vu et apporte crédibilité et réalisme à l’ensemble. La plume de l’écrivain est donc clairement à retenir.

La tension s’intensifie de page en page, un malaise s’installe subrepticement et une noirceur s’étend. Franck Bouysse décrit un terroir rural, reculé et oublié de tous. Les personnages sont seuls face à la nature humaine, au danger de la pauvreté et de l’isolement. Nous suivons principalement Rose, une jeune fille dont la vie bascule vers une véritable descente aux enfers. Ma lecture fut parfois ardue. En effet, les rebondissements s’enchainent à la manière d’un tourbillon d’une cruauté sans fin. Certains passages sont d’ailleurs crus et difficiles. Âme sensible, s’abstenir!

Entre roman du terroir, récit noir et fresque sociale, Né d’aucune femme est un livre qu’il me sera difficile d’oublier. Le schéma à plusieurs voix est maitrisé grâce à l’adaptation du style à chaque protagoniste. Le lecteur est le témoin d’une descente en enfer. Malgré certains passages assez insoutenables, j’avoue avoir eu bien du mal à lâcher ce livre. En toute sincérité, je suis curieuse de découvrir une autre œuvre de ce romancier.

Lu dans le cadre du Grand prix des lectrices Elle 2019.

Vous aimerez aussi découvrir :

  • Le bal des hommed’Arnaud Gonzague et Olivier Tosseri
  • Mazie, sainte patronne des fauchés et des assoiffés de Jami Attenberg
  • Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher

Fanny

Vigile d’Hyam Zaytoun

Résumé de l’éditeur : Un bruit étrange, comme un vrombissement, réveille une jeune femme dans la nuit. Elle pense que son compagnon la taquine. La fatigue, l’inquiétude, elle a tellement besoin de dormir… il se moque sans doute de ses ronflements. Mais le silence revenu dans la chambre l’inquiète. Lorsqu’elle allume la lampe, elle découvre que l’homme qu’elle aime est en arrêt cardiaque. Avec une intensité rare, Hyam Zaytoun confie son expérience d’une nuit traumatique et des quelques jours consécutifs où son compagnon, placé en coma artificiel, se retrouve dans l’antichambre de la mort. Comment raconter l’urgence et la peur ? La douleur ? Une vie qui bascule dans le cauchemar d’une perte brutale ? Écrit cinq ans plus tard, Vigile bouleverse par la violence du drame vécu, mais aussi la déclaration d’amour qui irradie tout le texte. Récit bref et précis, ce livre restera à jamais dans la mémoire de ceux qui l’ont lu.

Lorsque j’ai découvert que ce livre était présent dans la sélection du Grand prix des lectrices Elle 2019, une sueur froide m’a tout de suite parcourue. J’avais vu passer ce livre un peu partout, je savais donc de quoi il retournait. Ayant vécu il y a quelques années la situation d’Hyam Zaytoun (sans que cela aille aussi loin), j’avoue que je ne me sentais pas tout à fait prête à replonger dans ces moments difficiles. Et puis un soir, je me suis lancée en lisant ce court récit d’une traite. Je ne vous le cache pas, ma lecture fut éprouvante. Forcément, je me suis beaucoup reconnue dans les questionnements de l’écrivaine, dans certaines réflexions mais aussi dans le choc d’un tel évènement.

Hyam Zaytoun nous livre un récit très intime, trop pour certains lecteurs. Me concernant, il m’a fait beaucoup de bien malgré les larmes versées aux souvenirs des heures brûlantes d’attente et d’incertitude. Quelqu’un a enfin mis des mots sur ce que j’avais vécu et sur ce que des milliers de personnes vivent ou vivront. La maladie fait peur et en devient taboue, chacun se renferme sur ses craintes et ses interrogations. Finalement, j’ai réussi à prendre un peu de recul face à cette lecture. A mon sens, il est dommage que l’après ne soit pas plus développé. L’écrivaine nous propose une vision pleine d’espoir mais un peu trop lisse et idyllique à mon goût car  les suites sont loin d’être de tout repos.

J’ai bien conscience que mon article n’est pas vraiment une chronique. Je suis bien trop proche du sujet pour émettre un avis objectif. Dans tous les cas, il s’agit d’un livre fort et poignant qui ne laisse pas indifférent. Je salue la maison d’édition d’avoir édité ce livre, il est important de parler de ce genre de sujet.

Lu dans le cadre du Grand prix des lectrices Elle 2019.

Vous aimerez aussi découvrir :

  • La loi de la mer de Davide Enia
  • Nos âmes la nuit de Kent Haruf
  • Suzanne de Frédéric Pommier

Fanny

Paradigma de Pia Petersen

Résumé de l’éditeur : Los Angeles, la ville sur la faille. Dans les coulisses de la remise des Oscars, une Marche silencieuse s’organise. Sur les téléphones, les rumeurs et les hashtags ont lancé le mouvement. Dans les rues, des grappes d’inconnus venant de partout se rassemblent, dans une ambiance explosive et électrique. Tout est parti de Luna. Mais qui est Luna ? Beverly Hills, les stars, les hackers, les gangs, les flics, les riches… face à des millions d’exclus de la société du spectacle, qui ont décidé de reprendre leur destin en main. Toutes ces énergies convergent vers la déflagration et l’utopie. Un livre total et nécessaire. Et c’est aussi une histoire d’amour, évidemment.

Pia Petersen, danoise et francophone, nous un offre un nouveau roman qui a tout des grands récits américains. Paradigma nous propose de revisiter le présent et transforme la Cité des Anges en un lieu de révolte des plus démunis. Ces derniers ont ainsi voix au chapitre et une visibilité. Axé autour d’un personnage féminin central, le roman donne la parole à toute une panoplie de personnalités : des marginaux, de riches résidents, des carriéristes sans scrupules et bien d’autres. La romancière connait très bien Los Angeles et cela se ressent. Son lecteur parcourt une ville aux multiples facettes où la cérémonie des Oscars côtoie, dissimule et piétine les plus pauvres.

Paradigma, c’est la colère qui naît, s’organise et explose. Une volonté forte, une marche pacifique, l’utilisation des réseaux sociaux et du détournement d’informations informatiques rendent l’ensemble terriblement d’actualité et tellement annonciateur. La faille de San Andreas qui traverse Los Angeles est régulièrement citée comme une métaphore de la fureur qui sommeille, grandit et finit par gronder. Se déploie ainsi un roman sombre que l’amour vient éclairer par intermittence. L’espoir est là aussi, rien n’est graver dans le marbre à jamais. Et surtout pas les modèles sociétaux. Pia Petersen fait également preuve d’une plume maîtrisée et pertinente.

Comme vous l’aurez compris, j’ai adoré ce roman de bout en bout. Il est assez inclassable, et c’est d’ailleurs très bien comme cela. Pia Petersen revisite la Cité des Anges sous le prisme (ou devrais-je dire le paradigme) de la révolte. En bref, un roman clairvoyant, annonciateur, juste et tellement humain dans lequel souffle un vent de renouveau. Je ne suis pas prête de l’oublier!

Vous aimerez aussi découvrir :

  • L’immeuble Christodora de Tim Murphy
  • La nuit n’est jamais complète de Niko Tackian
  • Yaak Valley, Montana de Smith Henderson

Fanny