Les confessions de Frannie Langton de Sara Collins

Résumé de l’éditeur : Esclave. Frannie Langton grandit à Paradise, dans une plantation de canne à sucre, où elle est le jouet de chacun : de sa maîtresse, qui se pique de lui apprendre à lire tout en la martyrisant, puis de son maître, qui la contraint à prendre part aux plus atroces expériences scientifiques… Domestique. À son arrivée à Londres, la jeune femme est offerte comme un vulgaire accessoire à George et Marguerite Benham, l’un des couples les plus raffinés d’Angleterre. Séductrice. Seule contre tous, Frannie trouve une alliée en Marguerite. Entre ces deux lectrices invétérées se noue un lien indéfectible. Une foudroyante passion. Une sulfureuse liaison. Meurtrière. Aujourd’hui, Frannie est accusée du double-meurtre des Benham. La foule se presse aux portes de la cour d’assises pour assister à son procès. Pourtant, de cette nuit tragique, elle ne garde aucun souvenir. Pour tenter de recouverer la mémoire, Frannie prend la plume… Victime ? Qui est vraiment Frannie Langton ?

Sara Collins signe un premier roman pour le moins audacieux et sombre. L’héroïne, Frannie Langton, nous conte son parcours entre la Jamaïque et Londres, entre l’esclavage et son jugement pour un double meurtre. Ses statuts successifs d’esclave, de domestique et de prostituée ne lui permettent jamais de gagner son affranchissement. Sa couleur de peau la condamne d’emblée à tous les maux. Pour preuve, son procès et sa conclusion semblent écrits d’avance. La romancière développe son roman autour de la suprématie blanche, de l’esclavagisme mais aussi des expériences réalisées sur des esclaves morts ou vifs.

Ce récit m’a agréablement surprise sur un point en particulier. En effet, j’ai été étonnée d’y trouver une relation lesbienne. Ce fut donc assez rafraichissant pour moi qui lis peu de roman mettant en scène ce type de personnage. Les protagonistes sont tous plus ambigus les uns que les autres, à commencer par notre héroïne Frannie. Une grande barrière nous empêche parfois de faire preuve de compréhension et d’attachement. La succession de drames, parfois un peu too much, n’est pas toujours très subtile. Finalement, beaucoup de questions restent en suspens. Sans être exceptionnelle, l’écriture de Sara Collins est agréable à parcourir.

Les confessions de Frannie Langton recèle des thématiques fortes, des sujets complexes et une plume agréable. Je me dois de mitiger quelque peu mon avis. En effet, Frannie doit faire face à une succession de drames assez impressionnante et peu crédible. Cependant, pour son premier roman, Sara Collins n’a pas choisi la facilité et reste une romancière à surveiller à l’avenir.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Belfond.

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Fanny

Le chant des revenants de Jesmyn Ward

Résumé de l’éditeur : Jojo n’a que treize ans mais c’est déjà l’homme de la maison. Son grand-père lui a tout appris : nourrir les animaux de la ferme, s’occuper de sa grand-mère malade, écouter les histoires, veiller sur sa petite sœur Kayla. De son autre famille, Jojo ne sait pas grand-chose. Ces blancs n’ont jamais accepté que leur fils fasse des enfants à une noire. Quant à son père, Michael, Jojo le connaît peu, d’autant qu’il purge une peine au pénitencier d’État. Et puis il y a Leonie, sa mère. Qui n’avait que dix-sept ans quand elle est tombée enceinte de lui. Qui aimerait être une meilleure mère mais qui cherche l’apaisement dans le crack, peut-être pour retrouver son frère, tué alors qu’il n’était qu’adolescent. Leonie qui vient d’apprendre que Michael va sortir de prison et qui décide d’embarquer les enfants en voiture pour un voyage plein de dangers, de fantômes mais aussi de promesses… 

Férue de littérature américaine, ce roman me faisait de l’œil depuis sa sortie. Je suis donc ravie de l’avoir retrouvé dans la sélection du Grand prix des lectrices Elle 2019. Jesmyn Ward nous propose un roman fort et poignant grâce à une très belle écriture fine, claire et poétique. Le récit prend forme à trois voix : celle de Jojo, de Léonie (sa mère) et de Richie tout droit venue du passé. Dans la veine des grands romans américains, la romancière nous emporte dans un road trip à travers une partie des États-Unis. De plus, une touche fantasmagorique et surnaturelle vient rehausser l’ensemble et apporte une profondeur un peu plus sombre au récit.

Très vite, le lecteur comprend toute l’étendue du mal-être des différents personnages. Le poids du passé les écrase et les empêche d’avancer. Ils portent ainsi le lourd héritage de l’esclavagisme, de la ségrégation et du racisme. Les fantômes ne sont jamais loin et hantent chacun d’entre eux. Finalement, en peu de pages et avec une émouvante subtilité, Jesmyn Ward parvient à construire un roman aussi ancré dans l’Histoire des États-Unis que terriblement d’actualité. Nous sommes également face à un récit sociale et réaliste. La drogue, l’emprisonnement, les soucis financiers, les lacunes affectives, les mauvais traitements et le métissage minent toute une fragile génération.

Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce roman. Jesmyn Ward puise dans les heures les plus sombres des États-Unis pour nous proposer un récit fort et hors du commun. La plume de la romancière, le destin des personnages qu’elle a créé et la construction de l’intrigue ont su me transporter. Un roman nécessaire, c’est certain.

Lu dans le cadre du Grand prix des lectrices Elle 2019.

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Fanny

Chère Mrs Bird de A. J. Pearce

Résumé de l’éditeur : Londres, 1941. À vingt-quatre ans, Emmy n’a qu’un rêve : devenir reporter de guerre. Un rêve qui semble sur le point de se réaliser lorsque la jeune femme décroche un poste au London Evening Chronicles. Enfin, Emmy va pouvoir entrer dans le vif du sujet, partir sur le front, se faire un nom au fil de la plume ! Las, c’est un poste d’assistante à la rédaction du magazine féminin Women’s Day qui lui est offert. La mission d’Emmy : répondre aux courriers des lectrices adressés à Mrs Bird, la rédactrice en chef du journal. Mais attention, la terrifiante Mrs Bird est très stricte, et seules les demandes les plus vertueuses se verront offrir une réponse expéditive dans le poussiéreux journal. Un cas de conscience pour la jeune journaliste qui refuse de laisser ses concitoyennes en mal d’amour et de soutien amical, errer dans les limbes en raison du diktat imposé par une vieille conservatrice bon  teint. Et Emmy a un plan pour outrepasser l’autorité de Mrs Bird… Alors que la ville sombre peu à peu sous les bombes, Emmy va mettre sa carrière en jeu pour venir en aide aux femmes restées seules à l’arrière. L’heure de la résistance féminine a sonné !

Vous connaissez dorénavant très bien mon amour pour la culture britannique en général. C’est toujours avec plaisir que je commence un nouveau roman anglais. A. J. Pearce nous entraine dans le Londres secoué par les incessants et menaçants bombardements du Blitz. Nous suivons une jeune fille, Emmy Lake, aussi ambitieuse que courageuse. Elle partage son temps entre son bénévolat en tant que standardiste d’une brigade de sapeurs-pompiers et son nouveau travail qui ne va pas tout à fait être ce qu’elle espérait. En effet, son rêve de risque et de reportage de guerre s’éloigne, mais elle pense tout de même pouvoir apporter sa pierre à l’édifice en aidant des femmes en détresse par correspondance.

Derrière la légèreté et l’humour de façade, j’ai particulièrement apprécié le réalisme qu’apporte l’auteur dans ses descriptions d’un Londres soumis au danger aérien allemand. La peur, l’urgence et la perte sont forcement présentes. A. J. Pearce ne tombe ni dans la facilité ni dans le pathos. Cependant, la vie continue et le flegme anglais aide beaucoup. Les cartes sont rebattues concernant la place des femmes dans la société britannique. Le roman le montre bien par tous les personnages féminins qui nous sont présentés. Elles souhaitent faire leur propre choix et s’affranchir du carcan des convenances. Le seul bémol? Le style d’A. J. Pearce manque un peu de caractère pour totalement emporter mon adhésion.

J’ai apprécié les heures passées à lire ce roman. C’est une histoire d’amitié et de solidarité féminines devant les différentes menaces de la Seconde Guerre mondiale. Il est dommage que le style d’A. J. Pearce ne se démarque pas davantage afin d’apporter un peu plus de force et de charme à ce récit.

Lu grâce à la masse critique Babelio et à Belfond.

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Fanny

Yaak Valley, Montana de Smith Henderson / Rentrée littéraire 2016

9782714456786Résumé de l’éditeur : La première fois qu’il l’a vu, Pete a cru rêver. Des gosses paumés, il en croise constamment dans son job d’assistant social. Mais, tout de même, un enfant en pleine forêt, méfiant, en guenilles, l’air affamé… Pete s’accroche, laisse de la nourriture, des vêtements et finit par gagner la confiance du petit. Suffisamment pour découvrir que le garçon n’est pas seul. Sa mère et ses frères et soeurs sont introuvables, il vit avec son père, Jeremiah Pearl, un fondamentaliste chrétien qui fuit la civilisation pour se préparer à l’Apocalypse et comploter contre un gouvernement corrompu et dépravé. Petit à petit, entre Pete et Jeremiah s’installe une relation étrange. Car Jeremiah s’est isolé par désespoir, après un drame atroce ; Pete de son côté est au bord de sombrer : son frère est recherché par la police ; son ex, alcoolique, collectionne les amants ; et, surtout, sa fille de quatorze ans a disparu quelque part le long de la route du Texas…

Dès l’annonce de la parution de ce roman, j’ai voulu le découvrir car je m’intéresse de plus en plus à la littérature américaine. Je ne pouvais évidemment pas passer à côté. Le récit prend place dans les années 80. Le contexte historique en lui-même n’est pas très développé. Ce roman pourrait d’ailleurs très bien se dérouler de nos jours. Nous avons plus affaire à une analyse sociale de cette période et d’un état des États-Unis. La Yaak Valley est toute proche du Canada. Une nature hostile y occupe encore une majeure partie de l’espace. Nous avons deux récits en parallèle : celui de Pete et celui de l’errance de sa fille après sa fugue. Tout fini par s’imbriquer et se recouper dans les dernières pages du roman. Un intérêt pour ces différentes histoires s’installe donc très vite.

Nous suivons principalement l’histoire d’un assistant-social, Pete, qui voue sa vie à son métier. Il a un attachement particulier pour les enfants qu’il ne peut s’empêcher de vouloir sauver au détriment de sa propre vie et de sa propre famille. Notre héros se retrouve face à des situations à peine croyables. D’ailleurs, certains passages peuvent choquer. Mais c’est aussi ce qui fait que ce roman est bon. Nous sommes dans un réalisme total. Rien ne nous est caché sur la situation de chaque protagoniste : un jeune homme qui perd régulièrement les pédales, une petite fille à la mère droguée, un garçon embarqué dans les idées survivalistes de son père. Ce roman est aussi l’occasion de dénoncer la faiblesse des institutions, de la collaboration entre services et des moyens.

C’est un roman difficile, assez long à lire et à digérer mais qui vaut qu’on s’y intéresse. J’ai aimé ce côté hyperréaliste qui se dégage de chaque page. Le métier d’assistant-social y est mis en avant avec tout ce qu’il contient d’abstraction de soi et de rudesse. Une belle découverte!

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Fanny

L’Été du cyclone de Beatriz Williams

9782714456823

 

Résumé de l’éditeur : 1931. Discrète et réservée, Lily Dane n’a jamais su laisser parler son cœur. Jusqu’à ce que son chemin croise celui de Nick Greenwald. Le coup de foudre est immédiat, mais Lily est inquiète : elle, issue de la haute société new-yorkaise, pourra-t-elle jamais faire accepter à sa famille son amour pour un étudiant désargenté d’origine juive ? 1938. Alors qu’elle séjourne avec sa mère et sa petite-sœur dans la paisible station balnéaire de Seaview, Rhode Island, Lily a un choc : Budgie, son amie d’enfance qu’elle n’a pas revue depuis sept ans, est là. Accompagnée de son mari, le beau Nick Greenwald. Effondrée, Lily fait son possible pour éviter le couple. Tout l’inverse de Kiki, son espiègle petite sœur de six ans, qui s’est prise d’une affection immédiate et réciproque pour Nick…

J’ai beaucoup beaucoup aimé ce roman. Pour être honnête après la lecture en diagonale du résumé et la découverte de cette très belle couverture, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Beatriz Williams ne m’a pas déçue. Dès les premières pages nous faisons un plongeons dans les années 30 sur la côte est des Etats-Unis ainsi que dans la vie de Lily Dane et Budgie. Les chapitres alternent entre l’année 1931 et l’année 1938. L’auteure a su réunir tous les ingrédients pour faire de cette histoire un très bon roman : des rebondissements, du suspens, des secrets de famille, quelques déroutes sentimentales, de la sensualité, des scènes capitales très bien écrites et du frisson. L’auteure ne nous épargne rien.

Les personnages sont bien croqués. Il est facile de s’attacher à eux ou au contraire de cultiver une certaine suspicion envers certains. J’ai tout de suite accroché avec Lily, notre héroïne principale. Elle tente de s’affranchir de ses peurs et de son passé. Pas facile lorsque le sort s’acharne à lui rappeler ses erreurs et ses rendez-vous manqués. Budgie est d’une autre trempe, elle est extravertie et sûre d’elle. Un peu trop d’ailleurs. Elle l’apprendra à ses dépens. Les personnages secondaires ne sont pas en reste. J’ai une affection particulière pour Nick et Kiki. Vous comprendrez surement pourquoi en lisant ce livre. Le contexte historique est une vraie valeur ajoutée : crise économique, position de la femme et ouragan de 1938. Tout y est!

Ce roman est à mon avis un incontournable à emmener en vacances ou sur la plage même si quelques sujets abordés sont difficiles. Il saura vous divertir et vous faire passer par toute une panoplie d’émotion avec en prime un voyage dans le temps. J’ai passé de très belles heures de lecture et je vous conseille d’en faire de même.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Belfond.

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Fanny

L’homme au complet gris de Sloan Wilson

9782714457721Résumé de l’éditeur : A New York, dans les années 1950 « Le complet gris », c’est l’uniforme de l’Américain moyen, celui qui arrive tous les jours de sa banlieue pour travailler dans un quelconque gratte-ciel. Il est jeune encore, il a une femme et trois enfants, son travail ne l’intéresse pas beaucoup et la grande aventure de sa vie a été la guerre. Il a de l’ambition pourtant et en Amérique ambition égale argent ; il faut gagner beaucoup d’argent pour être un homme. Il accepte la situation d’avenir que lui offre un magnat de la télévision, mais cela veut dire de longues heures de travail, des absences, presque plus de vie de famille. Alors, non. L’homme s’aperçoit que son ambition, c’est de vivre en paix avec sa conscience et de vivre heureux auprès des siens. Et le destin lui donnera l’un et l’autre, une réussite qui ne sera pas une réussite sociale, mais une réussite humaine.

Certains points de ce roman m’ont clairement rappelé Richard Yates (Un destin d’exception, Un été à Cold Spring) comme la présence déterminante de la Seconde Guerre mondiale. En effet, les deux auteurs l’ont vécu et lui laissent une grande place dans chacun de leur texte. Mais ce roman traite surtout du destin professionnel et personnel d’un homme. L’auteur nous montre parfaitement que l’un influe sur l’autre. Il s’agit également de l’histoire de la classe moyenne américaine des années 50 qui fait les va-et-vient entre la banlieue-dortoir et la ville où l’ambition de devenir quelqu’un, de gagner beaucoup d’argent et de porter avec fierté son complet gris est très forte. Cependant, même si ce roman nous montre la middle class américaine classique, Sloan Wilson a su faire preuve de modernité notamment dans sa vision de la place de la femme. Certes cette dernière est femme au foyer et passe beaucoup de temps à la maison mais elle a son mot à dire, n’hésite pas à exprimer ses opinions, est force de proposition et est quotidiennement consultée pour un avis ou une décision à prendre.

Tom Rath est un personnage facile à adopter. Il est marqué de diverses manières par sa participation à la Seconde Guerre mondiale. C’est un jeune trentenaire qui se cherche même s’il est surtout en quête d’une place dans la société. Mais jusqu’où est-il prêt à aller pour y arriver, quelle concession est-il résolu à faire? Car c’est avant tout un homme généreux ayant la tête sur les épaules même s’il se laisse parfois griser par les évènements. Sinon j’ai particulièrement apprécié le personnage du juge Berstein. Il est bienveillant, possède un sens aigu de la justice et reste clairvoyant sur les intentions des gens. D’ailleurs, l’auteur nous permet quelques incursions dans la vie de personnages secondaires sans que le héros soit présent. Il nous donne ainsi à les voir dans leur vie privée ce qui nous aide à comprendre leurs réactions. L’écriture de Sloan Wilson est très descriptive mais tellement agréable à lire. On prend plaisir à suivre les pérégrinations de toute cette panoplie de personnages. Un beau retour 60 ans en arrière !

Un roman coup de cœur en ce qui me concerne. Je prends de plus en plus de plaisir à découvrir la littérature américaine que je lis trop peu à mon goût. Tout comme Richard Yates, Sloan Wilson a, à sa manière, une vraie tendresse pour la middle class américaine. La fin est une vraie bouffée d’air frais et met forcément un peu de baume au cœur.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Belfond.

    

Fanny

Régiment de femmes de Clemence Dane

10610511_890628580965834_5890982981424240442_nRésumé de l’éditeur : Clare Hartill avait une existence assez solitaire. C’était une femme aux amitiés fiévreuses et aux ruptures soudaines. Toujours la plus intelligente et la plus inquiète du cercle, elle découvrait en général que les objets de son affection ne pouvaient satisfaire son attente ni sur le plan de l’intelligence ni sur celui des sentiments. Clare ne pardonnait pas à qui l’ennuyait.
Vénéneux, intense, d’une grande profondeur psychologique, le premier roman d’une des figures les plus fascinantes de la scène littéraire britannique du XXe siècle. Dans le huis clos d’un pensionnat de jeunes filles, passions et amitiés s’exacerbent pour bientôt virer à un affrontement impitoyable.

Ce roman est plutôt long à démarrer. L’auteure commence par nous faire un portrait psychologique très précis de ses personnages. C’est d’ailleurs l’enjeu de toute l’intrigue qui évolue autour de ces personnalités bien particulières. Plus les pages se tournent et plus le lecteur se voit happer par l’histoire et devient même témoin à certains moments. Des rebondissements viennent casser le rythme assez descriptif de l’ensemble. Ce n’est pas un huis clos au sens propre du terme mais l’ambiance générale s’en rapproche. D’ailleurs, pendant une bonne partie du roman l’intrigue ne se déroule que dans le pensionnat de jeunes filles.

Nous assistons impuissant à la descente aux enfers de certains personnages tandis que d’autres montent en puissance. Sans trop vous en dévoiler, Clare Hartill est une personne machiavélique et manipulatrice alors qu’Alwynn lui est toute dévouée. Nous avons d’ailleurs une dualité entre le bien et le mal, entre deux types de caractère. C’est aussi l’opposition de l’amour véritable et sincère à l’amour à sens unique et égoïste. Comme vous l’aurez compris, Clemence Dane nous propose toute une palette de sentiments. Pour ne rien gâcher, le tout est servi par une écriture maitrisée et agréable à lire. C’est une plume méconnue qui mérite d’être redécouverte.

Malgré un début un peu long, je me suis plongée dans cette histoire avec délectation. Le charme suranné et les personnages en font un roman unique. Un autre livre de la collection Vintage des éditions Belfond m’attend dans ma pile à lire (Après minuit d’Irmgard Keun). Il me tarde de l’en sortir.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Belfond.

    

 

Fanny

Une collection de trésors minuscules de Caroline Vermalle

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Résumé de l’éditeur : La trentaine séduisante, Frédéric Solis est un brillant avocat qui collectionne les succès et les tableaux impressionnistes. Son assistante, Pétronille, n’a d’yeux que pour lui mais il ne la voit pas, tout à son ambition et à son appétit de collectionneur… jusqu’au jour où un notaire lui annonce qu’il a fait un mystérieux héritage. Persuadé d’avoir touché le jackpot, Frédéric tombe de haut lorsqu’il découvre que son legs consiste en quelques tickets de métro et en une étrange carte aux trésors. Et puis la chance tourne. Quelques mauvaises affaires, et le voilà acculé : ses clients disparaissent et ses biens sont saisis. Il ne lui reste plus qu’à suivre la trace de l’étrange héritage, tandis que dans l’ombre Pétronille fait tout pour l’aider.

Vous vous souvenez peut-être qu’il y a un peu plus d’un an j’avais été enthousiasmée par ma lecture de L’île des beaux lendemains, le premier roman de Caroline Vermalle aux éditions Belfond. Je suis ravie d’avoir pu lire ce nouveau roman car j’y ai retrouvé le ton qui m’avait tant plu dans le précédent. Celui-ci est tantôt nostalgique tantôt revigoré d’espoir. La plume de l’auteure sert parfaitement son roman et lui offre un style particulier. La fin est peut-être un peu attendue mais elle reste, à mon avis, pleine de sens.

Cette histoire est plus profonde qu’elle n’y parait de prime abord. Elle fait en sorte que le lecteur se pose des questions sur ce qui compose l’existence. Caroline Vermalle ne tombe pas dans la facilité et développe des thèmes comme la recherche de ses racines, les revers de situation, la fin de vie ou encore ce qu’est le bonheur. C’est d’ailleurs l’occasion de rappeler que ce dernier peut tenir à peu de chose.

Vous le savez peut-être mais je suis subjuguée (je n’exagère rien !) par le mouvement picturale impressionniste. La « chasse aux trésors » nous emmène en même temps que les personnages dans les hauts lieux de cet art : la maison et le jardin de Claude Monet à Giverny (quelle joie de revivre les sensations ressenties lorsque j’y ai mis les pieds il y a quelques années!), le musée d’Orsay, etc. Des tableaux sont d’ailleurs décrits d’une bien jolie façon.

Un roman feel good idéal pour se poser afin de passer un délicieux moment de lecture. J’avoue m’attacher aux personnages de Caroline Vermalle ainsi qu’à sa façon d’écrire sans prétention. Pour ceux l’ayant déjà lu, une scène m’a d’ailleurs particulièrement émue lorsque Frédéric se trouve près d’une des horloges du musée d’Orsay.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Belfond.

    

Fanny

Schroder de Amity Gaige

9782714454539Erik Kennedy écrit à son ex-femme depuis sa cellule de prison où il attend son procès. Il lui dévoile et lui décrit toute la vérité sur sa vraie personne. En effet, son histoire et sa vie partent d’une envie d’être quelqu’un d’autre et de s’affranchir de sa famille. Comment un homme comme lui a pu en arriver à enlever sa propre fille et surtout pourquoi ? Ce sont les deux questions auxquels Erik va répondre par le biais de ces quelques centaines pages.

Ce roman écrit à la manière d’un road movie raconte la situation dans laquelle beaucoup de pères se retrouvent, à tort parfois, après un divorce. Une garde partagée pour Meadow est d’abord mise en place mais petit à petit Erik perd du terrain souvent sur des malentendus car la rigidité face au respect des horaires n’est pas son fort. Ce thème principal est aussi un véritable sujet d’actualité. Il est forcément touchant et éloquent quant à notre société. Les non-dits et le poids de l’enfance sont des sujets également bien développés.

J’aurais préféré qu’Amity Gaige aille plus loin dans la psychologie de son personnage. Il s’agit quand même de la lettre de la dernière chance. Celle qui pourrait faire en sorte que le tribunal soit plus clément à l’encontre d’Erik. A sa place, je me serais totalement mise à nu en exprimant mes sentiments les plus profonds. Finalement le lecteur n’arrive pas à cerner totalement cet homme comme si une part d’ombre était toujours présente une fois le livre refermé.

Ce roman servi par une écriture agréable se lit tout seul et très vite par envie de connaitre la suite des aventures de ce père frustré et désespéré et de sa fille Meadow. Cependant, je nourris une réserve sur le personnage d’Erik qui n’est, à mon sens, pas assez travaillé. Ce roman m’aurait surement davantage plu si l’auteure était allée plus loin dans l’idée de cette lettre de la dernière chance.

Lu grâce à la masse critique Babelio et aux éditions Belfond.

    

Fanny

Cinq jours de Douglas Kennedy / Rentrée littéraire 2013

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Je vous retrouve aujourd’hui pour la chronique d’un roman de cette rentrée littéraire 2013. Douglas Kennedy est l’auteur de multiple bestseller. Malgré cela je n’avais encore jamais eu l’occasion de lire un de ces romans.

Laura (marié, deux enfants) est malheureuse en ménage. Elle travaille comme technicienne de radiologie dans le Maine et assiste de temps en temps à des colloques. C’est ainsi qu’elle doit se rendre à l’un d’entre eux à Boston pendant tout un weekend. Il va y faire une rencontre, celle de Richard, qui va changer sa vie de femme.

Autant le dire tout de suite l’intérêt de ce roman ne réside pas dans l’action mais bien dans l’analyse psychologique et l’introspection des personnages. L’auteur s’attache clairement à décortiquer leurs états-d’âme et l’impact du passé sur leur vie présente. Comment ne pas se reconnaitre dans l’une ou l’autre de ces personnes à un moment de notre vie ? Ainsi les thèmes du couple, des relations parents-enfants sont très présents. Ils ne correspondent pas du tout à mes préoccupations actuelles mais grâce à la superbe écriture de Doulgas Kennedy, les destins de Laura et Richard ont su me toucher.

L’auteur a mis en place pour son récit une construction originale divisée en cinq parties qui correspondent à cinq jours de la vie de Laura et de Richard. La majorité du récit se déroule sous forme de conversations et de confidences entre nos deux héros. C’est ainsi que nous faisons leur connaissance grâce à l’évocation de leur passé. Ce dernier est très présent et semble bloquer leur vie actuelle. Nous ressentons leurs regrets, leurs choix douloureux ainsi que la pression familiale et le poids du regard de leurs parents dans leur jeunesse.

Il s’agit d’un beau roman tout en subtilité avec une fin douce-amère et une morale disant que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Si j’en ai l’occasion j’essaierais de découvrir un autre roman de Douglas Kennedy car son écriture m’a largement convaincu.

Page facebook française de l’auteur :

Douglas Kennedy répond aux questions de 4 blogueuses :

Merci aux éditions Belfond et à Jérémy pour l’envoi de ce roman.

Fanny