La terre qui penche de Carole Martinez / Rentrée littéraire 2015

003518071Résumé de l’éditeur : Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort! La vieille âme qu’elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu’elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent. L’enfance se raconte au présent et la vieillesse s’émerveille, s’étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend. Veut-on l’offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais?

Plusieurs fois, on m’a conseillé de lire Carole Martinez. C’est Kheira qui m’a définitivement donné envie de découvrir cet auteur. Lorsque j’ai vu ce titre dans la liste des matchs de la Rentrée Littéraire Priceminister, je n’ai pas hésité une seule seconde. Après lecture, je peux dire que c’est une belle surprise. C’est un roman unique en son genre où l’auteur instille un vrai style ainsi qu’un univers propre. Il s’agit d’un récit d’une grande sensibilité. L’écriture est très belle comme finement ciselée et à fleur de peau. Les sentiments ne sont pas forcément directement dits mais souvent suggérés. Ceci apporte une subtile force ainsi qu’une vraie profondeur à l’ensemble.

L’Histoire n’est pas en reste. Carole Martinez nous propose une plongée en 1361 sur les bords de la Loue. C’est tout un mode de vie qui nous est présenté mais aussi la place de l’enfant dans la société. Le contexte historique n’est pas forcément ce qui est le plus détaillé mais il est suffisant pour servir le roman et ne pas masqué les messages que l’auteur souhaite faire passer. Blanche ainsi que son double plus âgé sont attachantes. Le chemin de l’alphabétisation n’est pas facile pour elle. Elle doit vite être autonome et se prendre en main. La chute est intéressante et scelle ce roman d’une belle manière. Le surnaturel n’est jamais loin sous forme de fantasmagorie. Il rythme la vie de la jeune fille.

C’est donc une belle surprise. En lisant ce roman j’ai eu l’impression d’entrer dans un véritable univers, celui de Carole Martinez. C’est original et magnifiquement écrit. Du domaine des murmures m’attend gentiment dans ma pile à lire. J’espère le découvrir prochainement.

Lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire 2015 de Priceminister.

Lu en lecture commune avec Kheira et Fanny.

Vous aimerez aussi découvrir :

  • La dame à la licorne de Tracy Chevalier
  • Le roi disait que j’étais diable de Clara Dupont-Monod
  • Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher

Fanny

La petite femelle de Philippe Jaenada / Rentrée littéraire 2015

IMG_20150825_200015_resizedRésumé de l’éditeur : Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d’avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondu, avant d’assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n’est-elle, au contraire, qu’une jeune fille libre qui revendique avant l’heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ? Personne n’a jamais voulu écouter ce qu’elle avait à dire, elle que les soubresauts de l’Histoire ont pourtant broyée sans pitié.

Ce livre est parfois présenté comme un roman. Pour moi, ce qualificatif est assez réducteur. Il est à mon avis beaucoup plus que cela. C’est une véritable enquête documentée et argumentée mais aussi la réhabilitation d’une femme, Pauline Dubuisson, malmenée par la justice, les médias, les mauvaises langues et son entourage. Certes, les faits sont là, elle a tué, mais l’auteur s’interroge sur la partialité d’un procès, le poids des médias, la vie après la prison et le droit à l’oubli. Pendant notre lecture, on s’agace, on peste, on lève les yeux au ciel, on a la vision d’un véritable gâchis, on se pose aussi beaucoup de questions. Je me mets à la place de Philippe Jaenada dans son rôle de chercheur puis d’écrivain. Il a du s’arracher les cheveux à la lecture des documents qu’il a déniché sur internet et dans divers services d’archives. Chaque pièce a été manipulée en défaveur de l’accusé. C’est assez incroyable et pourtant il nous le prouve en démontant tout un procès. L’histoire de Pauline Dubuisson possède un vrai souffle romanesque. Un certain suspens s’installe ainsi qu’une envie d’en savoir toujours plus. Les détails historiques font partie intégrante du récit.

L’auteur instille une bonne dose d’ironie dans son livre par laquelle on sent parfois de l’exaspération et de la colère. Il fait preuve de beaucoup de psychologie et porte un regard empathique voire tendre sur son héroïne. C’est assez difficile à expliquer mais il semble y avoir une vraie connexion entre eux. Nous sommes bien loin de la femme cupide et volage qu’on a bien voulu présenté à l’époque. Philippe Jaenada lui préfère la femme libre, affranchie des codes sociaux et de la soumission aux hommes. Pauline (oui, à force on la nomme par son petit nom) est presque une figure féministe avant l’heure. Le tout est traité avec une argumentation toujours maitrisée. Madeleine Jacob est peut-être celle qui m’a le plus agacée. Comment a-t-elle pu se considérer comme journaliste alors qu’elle n’a fait que détourner les faits pour faire dans le spectaculaire et ainsi vendre du papier? Agaçante je vous dis… Le récit chronologique est parfois interrompu par des digressions sur la vie personnelle de l’auteur. Il nous raconte quelques anecdotes bien senties et très amusantes (une belle cuite lors d’une certaine soirée par exemple). En plus d’être un bon écrivain, un bon conteur et un bon enquêteur, Mr Jaennada est aussi très drôle.

Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce livre de bout en bout. Il est à lire, c’est évident! Philippe Jaenada nous apporte sa vision de l’affaire, le tout en argumentant. Pauline Dubuisson n’est surement pas celle qu’on a voulu faire croire à l’époque. C’est également l’aboutissement d’un très beau travail de recherche. Je n’oublierais pas Pauline de sitôt! Depuis que j’ai refermé cet ouvrage et que j’ai rencontré l’auteur au Livre sur le place je n’ai qu’une envie : me précipiter sur un autre de ses livres.

logo_julliard_carr_Fanny