Il y a une semaine, je vous faisais part de mon coup de cœur pour Ciel d’acier de Michel Moutot. L’auteur m’a contactée. J’ai donc sauté sur l’occasion pour lui poser quelques questions et vous partager ses réponses. Son roman découle de son expérience de reporter lors des attentats des tours jumelles du 11 septembre 2001. Il déroule, à partir de cet évènement, le fil historique d’ironworkers et Mohawks du Canada sur plusieurs générations.
1. Votre roman débute par les attentats des tours jumelles du 11 septembre 2001.Vous avez reçu une récompense pour votre couverture de cette catastrophe en tant que journaliste. Pourquoi avoir attendu presque 15 ans pour écrire ce livre?
J’ai attendu tout ce temps parce que jesuis rentré en France en 2003, avec l’idée de ce roman dans un coin de ma tête, mais trop occupé par mon travail à l’AFP pour pouvoir m’y mettre. Puis en 2011 j’ai aidé un ami à raconter sa vie, cela a donné un livre titré « Aventurier des glaces ». J’ai passé six mois à l’écrire et j’ai adoré, ça m’a donné l’envie et la confiance de tenter quelque chose de plus ambitieux.
2. Grâce à votre ouvrage, le lecteur fait la rencontre des Mohawks (indiens du Canada), ironworkers bien souvent oubliés par l’histoire. Comment les avez-vous découverts?
J’ai découvert les Mohawks lors d’un reportage à Ground Zero, le 16 ou le 17 septembre 2001. Puis je suis tombé en janvier 2002 sur une exposition, titrée « Booming out, the Mohawk indians built New York », dans laquelle était racontée toute l’histoire de la tribu. J’en suis sorti en me disant : c’est incroyable, l’histoire de cette tribu c’est un vrai roman !
3. Vous vous étonnez (et nous aussi) qu’aucun auteur américain ou canadien n’ait pensé à écrire au sujet des Mohawks. Pourtant leur destin est des plus romanesques. Comment l’expliquez-vous?
Aucune idée : pour moi c’est un mystère. J’étais persuadé qu’une si belle histoire aurait attiré quelqu’un avant moi.
4. Votre écriture est imagée grâce, notamment, à de nombreuses descriptions. Le 11/09/2001 a bénéficié d’une grande médiatisation dans un un monde déjà gouverné par l’image. Êtes-vous un adepte de la complémentarité entre l’écrit et l’image?
Bien sûr. Ma femme, qui est ma première et meilleure lectrice, m’a toujours dit que j’avais une écriture imagée. J’aime donner à voir au lecteur, avec des descriptions, mais pas trop non plus. Il faut laisser au lecteur sa part d’imaginaire. En tant que lecteur, j’aime bien qu’on me laisse ma part de travail…
5. Pouvez-vous nous expliquer comment votre métier de reporter à influencer l’écriture de ce roman?
Une partie du roman est tirée directement de mes reportages le 11 septembre et dans les mois qui ont suivi. C’était la partie la plus facile : la visite de John, par exemple, à Fresh Kills, est une scène que j’ai vécue. D’un autre côté, pour devenir romancier il faut cesser d’être journaliste, et ce n’est pas facile. Il faut développer ses personnages, se mettre dans leur tête, leur prêter des sentiments. Tout ça était nouveau pour moi.
6. Quelle a été la plus grande difficulté que vous ayez rencontré pendant l’écriture de ce livre? Comment avez-vous réussi à trouver le bon équilibre entre événements historiques, détails techniques et pans de vie?
Le plus difficile a été effectivement de me séparer de mes réflexes professionnels de journaliste pour devenir vraiment romancier. Lors des cent premières pages, je me suis aperçu que j’écrivais un très long reportage. J’ai tout repris, tout réécris depuis le début.
7. Lors de vos recherches, quels sont les éléments qui vous ont le plus marqué?
Les récits des anciens, ironworkers à la retraite qui avaient construit le WTC et ont assisté à la télévision à leur écroulement. J’en ai rencontré trois à Kahnawake, ce furent de très belles rencontres.
8. Ciel d’acier est votre seul et unique roman. Travaillez-vous sur un nouveau projet en parallèle de votre activité journalistique?
Oui, je suis en train d’écrire un nouveau roman. Il s’appelle, pour l’instant, « Freedom fever » et raconte l’histoire, au milieu du 19e siècle, des chasseurs de baleines de l’île de Nantucket, au large de Boston, qui sont partis, avec leurs bateaux, chercher de l’or en Californie. C’était en 1849, lors de la première ruée vers l’or qui a bâti San Francisco. C’est l’histoire de trois frères, qui quittent Nantucket à la fin de 1848, et arrivent à San Francisco cinq mois plus tard. Je suis à la page 125, ce matin, je vais m’y remettre. Et je pars mercredi pour dix jours de repérages à San Francisco.
Merci Michel Moutot pour ces quelques mots qui éclairent un peu plus votre roman.